Dessin de Tiounine paru dans Kommersant, Moscou
La France n’est évidemment pas une exception au sein de l’Europe en matière de crise politique et économique. Cependant, on peut se pencher sur son cas qui en constitue un exemple explicite.
Montée des extrémismes, manifestations aux slogans faisant songer à ceux des années 20’, pays multi-fracturé, conflits virulents entre la droite et la gauche, scandales politiques qui se succèdent les uns après les autres … Bref, une France au bord du gouffre social.
Pour certains, la France est entrain de revivre 1789, pour d’autres, les médias grossissent la réalité.
Comment résumer la situation en France ?
- Un système de gouvernement « vieille école » : une ploutocratie qui ignore la crise.
Je ne vais évidemment pas rentrer dans une analyse poussée du système politique français. Néanmoins, on peut dire essentiellement que voter à droite ou à gauche ne changera pas grand-chose à la situation actuelle.
Les dirigeants sont tous formés dans les mêmes grandes écoles. De manière générale, l’accès aux hautes sphères n’est que bien trop souvent réservé aux individus des beaux quartiers. Les concours ne sont qu’une simple formalité car vous l’aurez compris, cette discrimination sociale est accompagnée par des comportements de classe : clientélisme et corruption qui bafouent violemment le système de méritocratie et donc indéniablement, le principe de l’égalité des chances.
En effet, en ce qui concerne le gouvernement français, on peut parler d’une sorte de ploutocratie aux intérêts déconnectés de ceux du peuple. Il s’agit d’un système de gouvernement où l’argent constitue la base principale du pouvoir et via lequel une élite assure le maintien d’un statut quo social pour conserver ses privilèges.
Avec l’affaire Bettencourt, on a bien vu qu’il y a en France un pouvoir oligarchique qui s’assume de mieux en mieux dans la mesure où il n’est jamais réellement remis en question.
On a donc affaire à une caste de hauts dirigeants myopes car, en pleine crise, font comme si celle-ci n’existait pas. Ce qui humilie profondément les citoyens français.
En outre, la crise accentue le fossé entre les hautes sphères et le reste de la société.
Corruption, exploitation du pays par les élites et économie qui se décline ; comment marche ce système élitiste ?
« Un pays bloqué, rongé, miné » : (article datant d’avril 2013)
http://www.courrierinternational.com/article/2013/04/18/un-pays-bloque-ronge-mine
L’économie s’essouffle et plus exactement, le système économique créé par ces élites dominantes pour ne satisfaire qu’elles-mêmes. La crise qu’elles ont provoquée est devenue la crise du peuple qui trinque. Un peuple injustement puni. On assiste aujourd’hui en quelque sorte à une lutte des classes :
- Une lutte des classes où « la violence des riches atteint les gens au plus profond de leur esprit et de leur corps. »
La violence des élites dont il est question ici (rappelons que l’on parle des plus riches parmi les riches) est une violence objective qui se transforme en assujettissement. Cette domination est pourtant acceptée comme quelque chose de normal dans la tête des gens. Les sociologues Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon ont écrit un livre à ce sujet, La violence des riches, Chronique d’une immense casse sociale.
Je vous conseille vivement de lire l’interview ci-dessous de Monique Pinçon-Charlot qui constitue un excellent résumé de son livre :
« (…) les riches font subir au reste de la société une violence inouïe. Une violence banalisée grâce à un renversement du langage : les riches seraient des victimes, menacées par l’avidité du peuple. Elle (Monique Pinçon-Charlot) dénonce un processus de déshumanisation, une logique de prédation, une caste qui casse le reste de la société (…)»
http://www.bastamag.net/Monique-Pincon-Charlot-La-violence
Et pour les plus motivés, voici le livre dans son entièreté :
http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=176
Avant-propos :
« Qu’est-ce que la violence ? Pas seulement celle des coups de poing ou des coups de couteau des agressions physiques directes, mais aussi celle qui se traduit par la pauvreté des uns et la richesse des autres. Qui permet la distribution des dividendes en même temps que le licenciement de ceux que les ont produits. Qui autorise des rémunérations pharaoniques en millions d’euros et des revalorisations du Smic qui se comptent en centimes.
Mobilisés à tous les instants et sur tous les fronts, les plus riches agissent en tenue de camouflage, costume-cravate et bonnes manières sur le devant de la scène, exploitation sans vergogne des plus modestes comme règle d’or dans les coulisses. Cette violence sociale, relayée par une violence dans les esprits, tient les plus humbles en respect : le respect de la puissance, du savoir, de l’élégance, de la culture, des relations entre gens du « beau » et du « grand » monde.
L’accaparement d’une grande partie des richesses produites par le travail, dans l’économie réelle, est organisé dans les circuits mafieux de la finance gangrenée. Les riches sont les commanditaires et les bénéficiaires de cette violence aux apparences savantes et impénétrables, qui confisque les fruits du travail. À travers les chroniques de la guerre sociale en cours, nous allons observer les visages des vrais casseurs en nous appuyant sur du concret, des descriptions de lieux et de faits, et l’analyse des mécanismes de cette violence insidieuse venue d’en haut. La crise est celle de vies brisées, amputées de tout projet d’avenir, dans cette immense casse sociale à laquelle les dirigeants politiques de la droite et de la gauche libérale se sont associés. »
L. Salvador